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Grand Theft Auto III fête ses 20 ans !

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DONNE-MOI LIBERTY

 

Première période de la saga entre 1997 et 1999, l'univers 2D, malgré l'aspect assez artisanal des deux jeux et des extensions (aussi bien dans leur rendu que dans leur développement), a posé les bases de la série quant à la création d'une ville virtuelle vivante et la liberté offerte aux joueurs, aussi bien dans leurs déplacements que dans leur progression au sein du jeu, montrant ainsi la voie à suivre pour de futurs opus. Si les ventes sont plus ou moins correctes et les critiques assez favorables, l'aspect dépassé des graphismes n'aide pas à rendre justice aux différents volets, même si, de l'aveu même de Dave Jones (fondateur de DMA Design et créateur de GTA) et Dan Houser, éditeur et développeur pensaient que le soin apporté au seul gameplay permettrait de passer outre ce problème. Les équipes des deux côtés de l'Atlantique connaissent donc désormais le cap à franchir pour faire passer la saga dans une nouvelle dimension, et démocratiser ainsi leur concept.

 

Les voies de Jones et Rockstar semblent cependant plus que jamais se séparer ; si le concepteur écossais ne se sent finalement plus à l'aise avec ce qu'est devenu GTA et est lassé des polémiques à répétition dont s'appuie l'éditeur pour promouvoir les jeux, le nouveau label new-yorkais est agacé par son nouveau projet de ville fictive et par la vente du studio de développement à Gremlin Interactive puis Infogrames. Quand DMA Design tomba sous le giron de Take-Two, Dave décide de quitter le navire et de fonder Realtime Worlds. Rockstar Games et le studio écossais, désormais basé à Edinbourg avec à sa tête Leslie Benzies, ont eux de nouveaux projets pour la série : GTA 3D et GTA Online: Crime World, avec ce qui avait permis au premier GTA d'être magnifié, à savoir un réel travail en équipe où chaque nouvelle idée fait avancer le projet.

 

Avec l'arrivée de la PS2, Sam Houser, ayant désormais les pleins pouvoirs sur la série, décide de la faire passer dans une nouvelle dimension : la 3D. Un tel bouleversement avait déjà traversé son esprit lors du développement du deuxième opus en « 2,5D ». Ainsi, si l'accent avait été mis sur le gameplay dans les premiers jeux, il était désormais temps d'en améliorer les graphismes pour rendre le jeu plus attractif, mais également rendre l'expérience plus immersive. Pour approcher le plus possible d'une fiction de gangsters interactive comme il le souhaite, dans la veine de Heat ou des Soprano, les cinématiques seront désormais faites à partir du moteur du jeu, Renderware (acheté à un autre studio pour gagner du temps), et les animations grâce à un studio de capture de mouvements loué à Brooklyn. Ces évolutions techniques influaient aussi bien sur le nouveau décor de Liberty City, avec la mise en place d'un cycle jour/nuit et de météo, que sur la conduite, qu'il faudra désormais adapter en fonction des différents types de véhicules et des accidents. De plus, si les premiers GTA avaient souffert d'un scénario simpliste, le travail de Dan Houser permettait désormais de pallier à ce problème. La variante multijoueur est finalement abandonnée pour se concentrer pleinement sur Grand Theft Auto III.

 

Lors de l'E3 2001, Rockstar présente le jeu en compagnie, notamment, de State of Emergency, qui avait lui aussi fait les choux gras de la presse pour son côté anarchique. Contre toute attente, le premier fut snobé par les joueurs au profit du second ; cette désillusion, déjà ressentie à la sortie de GTA 2, ne fit que remotiver les développeurs à travailler d'arrache-pied pour en faire un jeu à succès à l'automne.

 

C'est alors qu'arriva le 11 septembre 2001. Les bureaux de la firme se trouvant à moins de deux kilomètres du World Trade Center, tous les employés avaient été touchés par les attentats, aussi bien personnellement que par le biais d'un proche ou d'une connaissance. Meurtris, les frères Houser se demandèrent finalement si sortir GTA III était une bonne idée face à l'horreur du monde réel, avant de se ressaisir et, en accord avec Sony, de repousser la date du jeu de trois semaines afin d'opérer des changements nécessaires et ainsi minimiser le parallèle entre Liberty City et New York (avec notamment un changement des couleurs des voitures de police et une remodélisation d'un bâtiment ressemblant au WTC) ou de retirer des éléments qui pourraient rappeler la tragédie (comme la modification des trajectoires de vol des avions ou des lignes de dialogues). Un de ces changements deviendra par ailleurs la marque de fabrique des GTA par la suite : l'affiche du jeu, modifiée pour la version américaine, est désormais divisée en différentes cases. Retrouvez notre article dédié aux conséquences du 11-Septembre sur GTA3, publié à l'occasion des 20 ans des attentats en cliquant ici.

 

RIEN QU'UNE GOUTTE DANS L'OCÉAN

 

À sa sortie, Grand Theft Auto III est couvert d'éloges ; critiques et bouche-à-oreille permettent alors au jeu de devenir le plus gros carton de la PlayStation 2 et de rafler nombres de récompenses, faisant passer la série, mais également le monde du jeu vidéo, dans une nouvelle ère. Plus de 14,5 millions d'exemplaires s'écouleront en tout, en cumulant avec les versions PC et Xbox.

 

Si le scénario simpliste des premiers jeux ne permet pas à la série de faire valoir cet aspect de son discours, l'univers 3D pose les premiers jalons de ce revers du rêve américain. Ainsi, par la conception même de la ville de Liberty City dans GTA III, « pire endroit de l'Amérique » selon sa devise, et le fait de débloquer, île après île, la zone industrielle, la zone commerciale puis la banlieue huppée de la ville, ainsi que par l'enchaînement des missions (de plus en plus évoluées et de plus en plus lucratives), le jeu donne l'impression de faire un commentaire social sur le fait que le joueur - qui commence pauvre - doive travailler dur pour finir riche.

 

La première polémique importante éclate à la sortie de GTA III. La licence commence alors à être connue, les jeux vidéo sont bien démocratisés et les consoles installées sous la télé du salon : scandale, votre fils peut tuer des policiers et des prostituées en 3D. Le fait de pouvoir tuer des policiers fait scandale, des syndicats de policiers s'élèvent contre le jeu mais c'est surtout le deuxième point qui fait passer le débat dans une autre dimension : l'ironie voire le sadisme de pouvoir avoir un rapport sexuel avec une prostituée et de pouvoir ensuite la tuer pour récupérer ce qu'on a payé se fait lever des vents qui ne sont pas prêts de retomber. De plus, de nouveaux détails sont présents dans le jeu, par exemple les personnages décapités après avoir reçu une balle dans la tête ou démembrés après des combats à l'arme blanche, détails censurés dans la version française. À noter par ailleurs que les points donnés au joueur pour chaque PNJ écrasé ou tué par arme, et chaque véhicule détruit, sont retirés du jeu à partir de cet opus, comme pour prendre un peu de distance par rapport à cet aspect polémique des premiers GTA, et ainsi ne plus inciter les joueurs à commettre des crimes en dehors des missions et autres mini-jeux, bien que cela reste évidemment possible, jusqu'à ce que les forces de l'ordre les neutralisent.

 

Au niveau des mystères, dans GTA III, il a subsisté pendant longtemps le doute que le Maibatsu Monstrosity était bel et bien présent dans le jeu. Le véhicule était présent dans une fausse publicité du manuel du jeu mais a pourtant entretenu le mystère de sa présence pendant quelques années. Certaines personnes cherchaient encore le véhicule après la sortie de GTA San Andreas. Rappelons-nous aussi de Darkel, personnage énigmatique se trouvant sur le site officiel du jeu et dont le nom figure dans le livret.

 

LE BAL A BALLES

 

GTA III marquera la rupture avec la tentative d'un mode de jeu en ligne intégré directement dans le jeu ; il est possible de trouver les traces d'un mode multijoueur intégré dans la beta du jeu, accessible via des mods ; projet abandonné au profit de la naissance de l'idée d'un jeu multijoueur indépendant, baptisé Grand Theft Auto: Online Crime World. Cité une seule fois dans le magazine britannique PC Zone, le projet sera également abandonné, utilisant probablement trop de ressources ; ceci aura pour conséquence de reconcentrer l'ensemble des efforts sur GTA III et sa campagne solo gourmande en ressources mais qui aura marqué à vie l'industrie vidéoludique.

 

L'absence de mode multijoueur en ligne sur GTA III va pousser des équipes de passionnés à se supplanter à Rockstar Games, les MMO gagnant de la popularité auprès des joueurs. C'est sur GTA III qu'on verra apparaître le premier multijoueur alternatif de la scène modding : Multi Theft Auto, le 8 février 2003. L'unique intérêt de ce multijoueur est de rassembler les joueurs en mode libre. Pas de modes de jeu dédiés, pas d'achat de propriétés, pas de garages ; ici vous êtes là avec un avatar issu du jeu de base et vous profitez de la ville de Liberty City en mode libre avec vos amis ou bien en tuant vos potentiels adversaires présents sur la carte qui sont dans la version initiale invisibles en dehors d'un véhicule mais disposant d'une barre de vie visible donnant la position du joueur. Une barre de vie, des armes sur la carte, et c'est tout ; c'est léger et simpliste mais c'est suffisant pour rassembler les joueurs les plus impatients de cette époque

 

LA GRANDE ÉVASION

 

Vient alors l'épineuse question de l'opus suivant ; pas facile de réitérer un tel succès et un tel impact, sans paraître une pâle copie du précédent. Décision est alors prise de déménager l'action du prochain GTA, dont le budget de 5 millions de dollars en fait leur plus gros projet, à Vice City, et dans les années 80 qui plus est, à la grande stupéfaction des membres de l'équipe. Pour les convaincre et les faire imprégner de cette ambiance propre à 1986, Sam Houser décide de leur projeter le film Scarface ainsi que la série Deux flics à Miami, tout en collectant dans une base de données toutes les références - vestimentaires, culturelles, etc. - à cette époque pour que l'immersion soit totale. Les développeurs de DMA Design, devenu désormais Rockstar North, sont également envoyés en repérage à Miami pour pouvoir modéliser au mieux la ville et en faire dégager un véritable environnement. Dan Houser fait le tour des agences de pub pour récupérer les heures des programmes radiophoniques et parodier ainsi les publicités de l'époque, tandis que son frère et Marco Fernandez font le tour de la Grosse pomme en voiture pour sélectionner les musiques du nouvel opus, n'hésitant pas à choisir des morceaux extrêmement connus comme Billie Jean de Michael Jackson, Self Control de Laura Branigan ou encore Crockett's Theme de Jan Hammer.

 

Bénéficiant du moteur et du travail réalisé pour GTA III, des améliorations sont faites au niveau des jeux de lumière, des animations et de la réapparition des deux-roues dans le catalogue de véhicules disponibles. Avant même sa sortie, le jeu fait désormais les couvertures de magazines ; autant dire qu'une fois fin octobre 2002 passée, Vice City devient un véritable succès commercial et critique, parvenant à surpasser son prédécesseur avec un total de 17,5 millions de jeux vendus sur PS2, PC et Xbox. Si les équipes avaient travaillé sans discontinuité avec GTA III et Vice City, aucune pause n'était prévue ; San Andreas, leur nouveau projet, les appelait, avec un niveau d'attente encore plus élevé.

 

Comme pour Miami, les membres se déplacèrent avec appareils photos et dictaphones dans les quartiers chauds de Los Angeles, mais également dans les rues obliques de San Francisco et les casinos de Las Vegas, pour capturer l'essence du prochain jeu. En effet, après les années 80, place aux années 90 avec sa culture hip-hop en pleine expansion, ses guerres de gangs et ses émeutes ; l'esprit de gang, des Guerriers de la nuit à GTA 2 et cher aux rockstariens, prendra donc une place prépondérante dans ce nouveau volet. Et quoi de mieux, pour repousser les limites, que de faire en sorte que San Andreas soit désormais un État à part entière composé de plusieurs villes ? Fini Scarface, et bonjour Boyz'N'Hood.

 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, mettre un héros noir à la tête du jeu devenait un véritable coup de poker pour Rockstar, dans un monde vidéoludique où les Afro-américains n'étaient pas spécialement les bienvenus. De plus, si les précédents jeux paraissaient assez décontractés, le monde des gangs devenait tout de suite plus sérieux. DJ Pooh, scénariste de Friday avec Ice Cube et Chris Tucker, dû par ailleurs réécrire les lignes de dialogues pour les « américaniser » et les rendre plus réalistes, tandis que de véritables gangsters et rappeurs passaient des castings pour faire partie de la distribution.

 

Au milieu des polémiques engendrées par ses jeux, Rockstar doit désormais faire attention à la classification de son prochain bébé, notamment en ce qui concerne le contenu sexuel et la législation des différents pays où il sera distribué. Même si Sam Houser et Leslie Benzies n'en démordaient pas et souhaitaient garder le jeu tel quel, les développeurs durent cacher le contenu dans les lignes de codes, sous peine de recevoir le classement Adult Only qui aurait signé l'arrêt de mort de San Andreas, en espérant peut-être sortir une version non censurée à l'avenir.

 

En octobre 2004, comme une nouvelle tentative sur le marché Nintendo après le portage du premier opus, Rockstar Games lance, par le biais du développeur de Digital Eclipse, un jeu dérivé de GTA III sur Gameboy Advance en vue du dessus, comme un retour aux sources de la série. Mais les limitations de la console portable (obligeant à supprimer les dialogues des piétons, remplacer les cinématiques par du texte, et avoir une bande-son unique jouée en boucle) et l'aspect presque anachronique de cet opus par rapport à ce que la série est devenue depuis trois ans en font finalement un jeu assez mineur. D'autant que la comparaison avec le monstre San Andreas, sorti le même jour, est plus que criante. Avec un contenu démesuré et une durée de vie largement amplifiée, le succès de ce nouveau GTA sur PlayStation 2 ne se fait donc pas attendre, avec plus de 5 millions d'exemplaires écoulés en deux mois, et 21,5 millions au final, toutes consoles confondues, faisant d'ailleurs de lui le jeu le plus vendu sur la console de Sony.

 

En octobre 2005 et 2006, comme pour refermer cette période entamée en 2001, Rockstar lance des préquelles à ses jeux : les City Stories. Deux jeux, GTA: Liberty City Stories et Vice City Stories, exclusifs à Sony, débarquent d'abord sur PlayStation Portable avant d'être portés sur PS2, devenant paradoxalement le plus grand succès commercial de la console nomade pour le premier (plus de 7,6 millions d'exemplaires vendus) et l'un des opus les moins vendus pour le second ; au final, avec ces deux supports, les ventes s'élèveront respectivement à 11 millions et 6 millions d'exemplaires. Loin d'être anodins pourtant, ces deux anté-épisodes jouissent de toutes les améliorations techniques apportées par l'univers 3D, notamment San Andreas, sans se retrouver vraiment enchaînés par les limitations techniques de la plateforme portable, notamment au niveau du contenu et de la durée de vie. Un GTA: San Andreas Stories, espéré par les fans et mentionné dans quelques interviews de Rockstar, ne voit finalement pas le jour.

 

L'univers 3D a donc amorcé un véritable tournant dans la saga, qui a alors connue le succès tant espéré par ses concepteurs, et marqué de son empreinte le monde vidéoludique. Comme un gage de qualité, la bande-son se voit agrémentée au fur et à mesure, notamment à partir de Vice City, de morceaux célèbres - tout autant que leurs interprètes - pour améliorer l'ambiance des jeux, de même que pour le casting, avec des acteurs de renom pour jouer les différents personnages du jeu : Michael Madsen, Ray Liotta, Samuel L. Jackson, Danny Trejo, Frank Vincent, Jenna Jameson, Kyle MacLachlan, Dennis Hooper, Phil Collins, Tom Sizemore, Peter Fonda, Gary Busey, ou encore William Fichtner, prêtent ainsi leur voix aux habitants tous plus perchés les uns que les autres de Liberty City, Vice City et San Andreas. Si la plupart s'investissent dans leur rôle, certains prennent leur participation un peu à la légère voire montrent carrément du dédain envers les jeux vidéo et leurs créateurs. C'est finalement ces quelques mauvaises expériences, ainsi que la volonté de parfaire l'immersion des joueurs (et d'oublier ainsi l'interprète derrière le personnage), qui poussèrent Rockstar à s'orienter vers des acteurs moins en vue et des jeunes talents pour camper leurs personnages, d'abord avec San Andreas, puis surtout à partir de GTA IV.

 

Hanté par l'affaire Hot Coffee qui éclaboussa le studio et le monde du jeu vidéo en général avec la découverte d'un mini-jeu sexuel dans les profondeur du jeu, une page se tourne pour Rockstar ; trois de ses fondateurs, Terry Donovan, Gary Foreman et Jamie King, quittent le navire, tandis que Gary Dale, ancien de BMG Interactive, rejoint la direction de la compagnie. Une nouvelle ère commence.

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